Astral Romance 1

Une petite nouvelle, très petite d'ailleurs, sans réel intérêt. Mais j'y suis attachée. Ca ne se commande pas.

J’avance doucement le long des couloirs sombres, sombres parce qu’il fait nuit. Le jour tout est blanc, les portes ont une délicate couleur d’écorce de chêne. J’avance. Des hurlements retentissent. Certains ont de violents cauchemars… Les miens ne durent jamais longtemps, ils m’éveillent en sursaut, mon cœur battant à une vitesse folle, les larmes emplissant mes yeux fatigués.
J’avance. Quinze pas tout droit, je tourne à gauche, puis a droite. Je jette des coups d’œil furtifs aux alentours. Rien. Le vide. Le noir. L’angoisse sourde. Une larme coule sur ma joue, mince, ronde, salée.
J’atteins l’accueil, puis la porte d’entrée. Je sors. Je n’ai rien à faire là-dedans, je ne suis pas folle. Ils croient tous que je le suis. A cause de ces cauchemars que je fais la nuit. Maman m’a dit de ne pas m’inquiéter, qu’elle m’envoyait une semaine au repos.
Au repos.
Hôpital psychiatrique.
Solitude.
Folie.
Alors, je sors. Je sors car elle m’attend.
Je serre fortement la corde dans ma main. Compagnon d’infortune.
La morsure du froid me glace dès que mes pieds touchent l’herbe givrée.
J’avise mon arbre, ce si beau saule sous lequel j’ai passé tant d’après-midi à lire et à méditer.
Je fais un nœud coulant avec ma corde puis je l’attache à l’arbre.
Je vais chercher une chaise de jardin. Une jolie chaise en bois clair.
Je la place sous l’arbre. Et je monte dessus.
Je passe la tête dans le nœud, puis je pousse la chaise.
Je sens la corde qui me serre, de plus en plus fort. Le souffle me manque, et je ferme les yeux, envahie par une douce torpeur.
Ils croient tous que je suis folle. Que je suis inoffensive.
La vision de mon corps leur donnera des sueurs froides. Un corps bleui par le froid. Un pauvre petit corps raide et souriant.
Vision d’horreur. Alors ils deviendront tous hantés. Ils ne pourront plus trouver de repos.
Les cauchemars coloniseront leurs nuits au point qu’ils les appréhenderont. Tant pis pour eux.
Je suis la cause de bien des maux. Pourquoi fais-je cela ?
Ce n’est pas ma faute, tu n’avais qu’à pas me faire de mal.
J’ai peur, tout devient noir. Tout se brouille.
Je ne peux plus retourner en arrière.
Tout devient noir.

wahou ce texte est vraiment sublime!! Une telle profondeur se dégage de ce qu'il évoque. Les phrases sont fluides, le style est assez mûr. C'est vraiment un texte qui se lit agréablement malgré ce qu'il raconte.


J'adore le contraste du début

Citation :

J’avance doucement le long des couloirs sombres, sombres parce qu’il fait nuit. Le jour tout est blanc, les portes ont une délicate couleur d’écorce de chêne

bravo à toi

J'aime beaucoup aussi ce texte, c'est mon préféré

Je ne comprends pas, AstralRomance, pourquoi tu nies l'intérêt de ce texte, qui est au contraire très réussi et très intéressant ! J'aimerais te reprocher le fait que ta narratrice meure à la fin de son propre récit, mais après tout, Dino Buzzati le fait (nouvelle Teddy boys, dans le recueil Le K). Et chez toi, ça passe aussi bien.

Le style est à la fois dynamique et poétique. Un style poétique a tendance a être lu en diagonale. Un style dynamique peut paraître creux. Comme tu combines ces deux qualités, ta prose accroche l'oeil sans platitude. Attention quand même à cette phrase :

Citation :

Les miens ne durent jamais longtemps, ils m’éveillent en sursaut, mon cœur battant à une vitesse folle, les larmes emplissant mes yeux fatigués.

Le participe présent a l'avantage d'éviter les subordonnées et/ou d'en raconter un maximum dans une seule et même phrase. Toutefois, lorsqu'on en abuse, il devient lourd lui aussi. Ici, deux dans la même phrase, ça commence à faire beaucoup.
On évite l'excès avec une autre découpe des phrases. Ou bien en ne redoutant pas d'avoir deux ou trois verbes soumis au même sujet... conjugués au même temps.
C'est le seul détail, et le mal n'est pas bien grand.

Au niveau de l'histoire... Au début, tu installes plein de mystères : folle/pas folle ? Je trouve frustrant que ces mystères ne débouchent pas sur une longue histoire ! Tu avais matière à faire une histoire de complot (la fille à qui on tente de faire croire à sa folie... dans quels buts ?), ou une histoire de possession (les cauchemars ne seraient-ils pas l'oeuvre d'un mauvais esprit). Tu pouvais aussi développer la folie de ta narratrice (ces cauchemars la poussent à commettre des meurtres sauvages)... Mais la faire mourir aussitôt après avoir installé tous ces mystères, c'est dommage, quand même !

Bien que ce soit ton texte... je te conseille (et pour un peu, te supplierais presque !) de le continuer. Genre : la narratrice perd connaissance et est dépendue juste avant de mourir. Elle se réveille... fort logiquement dans son lit d'asile. Ou alors, tout n'était qu'un cauchemar parmi d'autres. Ou alors...
Tu as, à mon avis, des milliers de pistes à explorer. Je t'invite donc à faire le tri et à développer une histoire qui promet d'être prenante !

Sache que tu n'es pas la première à estimer "sans intérêt" un texte qui est en réalité une matière extraordinaire. Ann Rice a commencé un jour ce qu'elle imaginait comme "une courte nouvelle sur le thème du vampirisme". La "courte nouvelle" est devenue... Les chroniques des vampires ! Ta nouvelle me fait penser à cette anecdote...

Eh oui c'est le problème de ma guynette astrale, elle n'a pas conscience de son talent.

Merci beaucoup Raphaël, pour tes remarques pertinentes et le temps que tu as du y consacrer. Pour répondre à tes questions, ce texte a été écrit comme ça, sur un coup de tête. Quelque chose m'ayant déprimée (je ne vais pas entrer dans les détails), j'ai ouvert ma page word et j'ai écrit sans savoir où j'allais, pendant une vingtaine de minutes, sans me relire, sans vraiment réfléchir. Une sorte d'écriture automatique en somme. La phrase "ce n'est pas ma faute, tu n'avais qu'à pas me faire de mal" est donc ambivalente, autobiographique si tu veux. Et je n'ai pas voulu retoucher à ce texte. Quelque part, j'y suis attachée, comme je l'ai écrit au début, parce qu'il fait partie de ma vie, il fait partie de moi, mais d'un autre côté, je le trouve creux et sans réel intérêt. J'ai pu penser à le poursuivre, mais ce n'est pas vraiment ma priorité aujourd'hui. Un jour, peut-être ?

Bloody Guynette, s'il suffisait d'écrire un texte de ce genre pour avoir du talent, tout le monde en aurait...

Merci beaucoup Louve. Pour ma part, j'aime énormément le texte que tu as présenté au concours du forum, Toc toc toc.

Merci à vous trois ^^

AstralRomance a écrit:

Bloody Guynette, s'il suffisait d'écrire un texte de ce genre pour avoir du talent, tout le monde en aurait...

C'es là où tu te trompes, peu de gens savent écrire aussi bien sur un coup de tête. Et je pense que les autres membres m'approuveront
Mais dites-lui les autres !!!

Je m'empresse de venir ajouter ma voix à ceux de mes camarades, AstralRomance. J'aime ce texte, pour une simple raison, c'est parce qu'il est en parfaite harmonie avec l'état psychologique de la narratrice. L'histoire est comme égrainée, tous les indices nous sont donnés au compte goute,ce qui exprime bien l'errance mentale de l'héroîne. Bravo.
Et puis, déjà pour écrire un texte de cette tenue, il me faudrait plusieurs fois 20 minutes - et c'est à considérer. Alors comme te le dis Raphaël, garde ce texte sous la main.

Sans savoir où tu allais ? Et c'est un de tes premiers textes ?
Quand je pense que, même après plusieurs essais, chacun bien mûris, de nouvelles, je ne suis pas encore à l'aise pour écrire court...

Je persiste à dire, et à croire, que chacun de vous peut en faire autant. Bloody Guynette, tu écris des nouvelles sublimes, bien au-delà de ce que je suis capable de produire, alors chut. Ne nous disputons pas.

Merci Stonnik, je ne peux pas m'en séparer de toute façon ... J'aime garder une trace de ce que j'écris, pour plus tard, pour me replonger dans mes pensées avec le recul (ça fait très narcissique ce que je dis là ...)

Raphael : Non, ce n'est pas vraiment l'un de mes premiers textes, enfin, si l'on considère que j'écris depuis mes 14/15 ans. Ma première réelle production en matière de nouvelle s'est faite à l'âge de 15 ans, et quand j'ai écris celui-ci, j'en avais 17. Mais dans la mesure où je ne suis pas très productive, et qu'il me faut des conditions particulières pour écrire, ce n'est pas non plus l'héritier d'une longue lignée. En fait, c'est mon 4eme ou cinquième texte achevé, en comptant beaucoup de tentatives avortées de romans. Voilà ^^